Avec huit longs métrages – dont trois présentés en compétition au Festival de Cannes, Tiresia (2003), L’Apollonide – Souvenirs de la maison close (2011) et Saint Laurent (2014) – huit courts métrages, une exposition au Centre Pompidou (« Résonances », 2014), un livre (« Films fantômes »), trois albums et de nombreuses interventions musicales ( il est membre du collectif Laurie Markovitch et compose la musique de tous ses films), Bertrand Bonello est un artiste aussi sulfureux qu’accompli, qui ne cesse de surprendre par sa singularité dans le paysage de la création contemporaine.
Au cinéma, Bertrand Bonello ensorcelle littéralement les genres qu’il aborde en leur insufflant une liberté toute personnelle, teintée d’onirisme, de sensualité et d’obsessions troubles. C’est à la manière d’un peintre qu’il tisse les motifs récurrents de son œuvre. L’étrangeté qui se dégage dès son premier film intimiste Quelque chose d’organique, se propagera dans toute son œuvre jusqu’au fantastique assumé de son dernier film en date Zombi Child, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2019.
Le fantastique irrigue tous ses films dans la quête sensorielle et envoûtante d’une humanité perdue. Le Pornographe (2001), Tiresia (2002), De la Guerre (2007) déjouent les évocations de leur titre pour conduire le spectateur aux frontières du réel, cultivant avec le genre l’attrait du mauvais goût, la présence des fantômes et le retour des morts, la défiguration des corps, l’exploration des sombres inconscients et du désir, les obsessions déviantes, l’amour de Jacques Tourneur et d’Alfred Hitchcock… et musicien oblige, les expériences sonores déroutantes.
Avec L’Apollonide, Bertrand Bonello fait d’un film historique une traversée des apparences, une plongée dans les noirceurs de l’âme et les souffrances du corps ; il fait littéralement muer Nocturama (2016), thriller politique visionnaire ultra stylisé vers l’abstraction du genre, où les personnages évoluent entre mannequins sans visage, décors vides et ultime violence.
Bertrand Bonello dérange la surface des choses et travaille la matière première de ses films comme une étoffe. Son biopic Saint Laurent n’est autre que la poursuite de l’obsession de l’au-delà des apparences où sa mise en scène enchevêtre l’élégance de la haute-couture à sa propre morbide disparition.