Interview

Bernard Werber

Président, vous avez la parole !

Le Festival et vous, une grande histoire d’amour ?

La première fois que je suis venu, c’était en 2014. Jan Kounen était président du jury. Le Festival de Gérardmer, c’est comme le Festival de Cannes, mais en mieux, car le cinéma fantastique ne se prend pas au sérieux.

Président du jury ?

C’est bizarre de se retrouver avec ce genre d’honneur. Comme un vieil abonné au monde du fantastique et du thriller. Mais je suis très flatté. C’est un rôle très subtil, car ce n’est pas toujours le meilleur film qui gagne, mais celui qui marque le plus les esprits. Je ne suis pas fan de tout ce qui est gore. Pour moi, c’est comme rajouter du piment à un plat déjà assaisonné. Cela relève le goût, mais peut aussi le cacher. Ce qui ne m’empêchera pas de voir les qualités cinématographiques de ceux qui jouent avec ces codes. Je préfère la tension psychologique.

Quel regard posez-vous sur l’évolution du cinéma de genre en France ?

Le fait qu’il y ait des plateformes qui diffusent des films et séries à suspense, à connotation fantastique ou science-fiction montre aux producteurs qu’il y a un public et un engouement pour le cinéma de genre en France. C’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule. Des distributeurs et producteurs ne mettent pas d’argent dans ce type de films et disent ensuite que cela ne fonctionne pas. Or, c’est parce qu’il n’y a pas les moyens mis en place que cela ne marche pas. Il y a un réel engouement partout à travers le monde. On peut le voir avec une série comme Squid Game, par exemple. On ne peut pas rester un microcosme qui résiste au cinéma fantastique au nom d’une sorte de culte du cinéma d’auteur ou des comédies. Le cinéma français a besoin de se diversifier et de satisfaire un public amateur d’horreur et de suspense.

 Les Vosges, terre de cinéma de genre. Un endroit ici que vous trouvez inspirant ?

Le Grand Hôtel & Spa de Gérardmer, déjà ! J’y ai rédigé nombre de mes livres. Ce qui m’inspire, c’est de ne pas rester au même endroit, de changer d’atmosphère.

Le cinéma de genre, c’est aussi une expérience sonore. Une bande son qui vous a marqué ?

Psychose et la musique de Bernard Herrmann. Il y a aussi Hans Zimmer qui a fait de belles choses sur Interstellar et Inception. Je peux ajouter aussi Clint Mansell.

Le film de genre qui les surpasse tous ?

J’avais revu à Gérardmer L’Exorciste qui est un chef-d’œuvre inégalable. Une véritable performance.
L’adaptation de livres de genre au cinéma : un challenge ou un exercice délicat ? Le cas le plus intéressant, c’est très certainement celui de Shining. L’adaptation du livre de Stephen King par Stanley Kubrick présente une œuvre supérieure au livre. C’est l’exemple parfait d’uneadaptation meilleure que le roman. Même si King déteste ce film.

Quels seraient les bons ingrédients pour l’adaptation d’un de vos livres ?

Il faudrait déjà comprendre le sens général et le message caché du roman et ne pas trahir ce message. Derrière chaque histoire, il y a un message caché, une sorte de morale et il ne faut pas l’oublier au nom de l’adaptation.

Quel réalisateur pour adapter l’un de vos livres ?

J’avais repéré Darren Aronofsky et Christopher Nolan à leurs débuts. Memento fut un immense choc. Je le classe numéro un des thrillers que j’ai aimés. Je choisirais donc le Nolan de l’ancienne époque pour adapter Les Thanatonautes. J’ai renoncé à avoir des attentes vis-à-vis du cinéma, comme ça, je n’ai pas de frustration. Les droits cinématographiques des Fourmis avaient été achetés dès le jour de la sortie du roman et cela n’a rien donné. J’ai vite compris que ce qui motive ou non l’adaptation d’un livre est de l’ordre de la chance plutôt que de la logique.

Top 3 en matière de genre ?

Stephen King pour les auteurs, c’est lui qui m’a le plus terrorisé avec ses livres. C’est vraiment le maître. Je rajoute Kubrick et Hitchcock, pour le cinéma. Il y avait aussi Spielberg à une époque mais ses derniers films ne m’ont pas convaincu. Les frères Coen sinon, Louis Leterrier, Caro et Jeunet…

© Michel RESTANY