Interview

Henri Lœvenbruck

Quelques mots sur votre présence cette année au Festival ?

Je me réjouis de retrouver les lecteurs au Grimoire et que la Ligue de l’imaginaire, le collectif d’auteurs que j’ai créé il y a 15 ans, soit très bien représenté avec Bernard Minier, Bernard Werber, Alexis Laipsker, Mathias Malzieu… J’ai été très touché par la proposition d’Anthony Humbertclaude de monter une exposition autour de l’adaptation BD de La Moïra (Glénat), à la Maison de la Culture et des Loisirs. C’est la série qui m’a fait connaître, il y a vingt ans. Et que j’étais d’ailleurs venu dédicacer ici !

Le thème qui traverse le Festival est « de l’écrit à l’écran », qu’est-ce que cela vous inspire ?

Les liens entre écriture et cinéma sont évidemment essentiels et me tiennent à cœur. J’ai souvent œuvré pour créer des ponts en France entre ces deux médias. notamment au sein de la Ligue de l’imaginaire, ce collectif de romanciers dans lequel le réalisateur Sébastien Drouin (Cold Meat) nous a rejoints, et avec lequel nous avons souvent organisé des rencontres avec des réalisateurs, tels que Jan Kounen, Cédric Klapisch ou Jean-Pierre Jeunet.On peut mettre le plus grand metteur en scène du monde derrière la caméra, s’il n’a pas un scénario solide, le film a peu de chance de réussir. Pour un écrivain, c’est émouvant de voir quelqu’un s’emparer de son bébé pour lui donner vie, le faire grandir.

Une transposition qui peut s’avérer difficile ?

Le travail d’adaptation est passionnant, parfois frustrant, bien sûr, car le format audiovisuel ne laisse pas autant d’espace que les longues pages d’un roman, mais tout l’intérêt est là : savoir tirer d’une œuvre sa substantifique moelle pour que son esprit transparaisse à l’écran, mais aussi pour que l’adaptation apporte quelque chose au livre, sinon, à quoi bon ?

Quand est-ce que ça marche ?

Quand le réalisateur et le scénariste comprennent l’âme du roman, et lui apportent l’univers visuel qui va le mieux servir celle-ci. Il y a souvent des sacrifices. Parfois, il faut même « trahir » le texte, comme l’a fait Ridley Scott avec Blade Runner : le film est très éloigné de la nouvelle de Dick dont il s’inspire, et pourtant, il a su capturer l’esprit de l’auteur, en vérité, l’esprit de l’œuvre de Philip K. Dick tout entière.$

La dernière adaptation qui vous a bluffé ?

Il y a de grands exemples d’adaptations littéraires fort réussies au cinéma, comme Stand by me, adapté par Rob Reiner de la nouvelle Le Corps, de Stephen King, qui est au moins aussi bon sur l’écran que sur le papier. J’ai été bluffé par l’adaptation que Peter Jackson a faite du Seigneur des anneaux, qui était pourtant un défi de taille : tout le monde l’attendait au tournant. Et, j’ai un petit faible pour Incendies, adaptation virtuose par Denis Villeneuve de la pièce de théâtre de Wajdi Mouawad. À vrai dire, c’est même pour moi le meilleur film de Villeneuve.

Un livre de genre que vous aimeriez voir porter à l’écran ?

Les fans de Lovecraft comme moi attendent toujours une adaptation réussie de l’une de ses plus grandes nouvelles. Le fait que Guillermo Del Toro ait dû abandonner (jusqu’à nouvel ordre) son adaptation des Montagnes hallucinées a été une grande déception, car je pensais que nous allions enfin avoir un film qui rende correctement hommage à Lovecraft… Cela reste à accomplir (pour essuyer l’affront du catastrophique Lovecraft Country).

Votre dernier frisson de cinéphile ?

A vrai dire, c’est plutôt un frisson de téléphile. Je suis en train de regarder la série anglo Slow Horses, et je me régale de bout en bout.

© Thomas Laisné